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> > Nuage | Le nuage | "N'oublie pas que chaque nuage, si noir soit-il,
a toujours une face ensoleillée, tournée vers le ciel."
Friedrich Wilhelm Weber
"Si le monde n'a absolument aucun sens,
qui nous empêche d'en inventer un ?"
Lewis Carroll
L'histoire n'est pas drôle, mais c'est une drôle d'histoire, mon bon Jacques.
C'était la première fois ! Le poids des ans portait sur mes lourdes guibolles ! Je grimpais lentement, haletant, m’arrêtant chaque vingt mètres … Je me savais affaibli …. mais à ce point !… Il y a deux ans encore, j'arrivais sur le plateau boisé en moins de vingt minutes …. Ce n'est plus le cas et si j'en crois Diane, je devrais restreindre ma consommation ordinaire de divers divins breuvages ! Adieu Germain, fini le troquet : « Vade retro bistro ! » Un comble d'avoir à jeter aux enfers ces bières très catholiques !
J'hésitais encore à suivre les prescriptions de ma docte amie…. Mais planté là, essoufflé au beau milieu du chemin, force n'était d'admettre qu'une fois de plus son savoir voisinait avec sagesse et raison. J'en maudissais mes premiers cheveux blancs et ces milliers de fourmis me dévorant les mollets, quand un fragile bruissement se fit entendre dans mon dos .
Vite, vite Dinah… Ne traînons pas !
En une courte seconde, par chance, je vis se précipiter derrière moi cette coquette tête blonde, robe azur, tablier blanc ; une gamine vite vite trottine, des boucles sous un ruban bleu, les pieds alertes, bas blancs et sandales argentées ...Une fillette qui vite vite se presse … et un petit chat qui vite vite la suit …..
Vite Dinah, vite vite avant qu'il ne nous quitte, vite vite avant qu'il ne s'effrite….
Pédalant de ses courtes gambettes, tricotant des quatre pinceaux, ils me dépassent, vite vite vite, m'évitent tout en grâce, boule de poils et mignon jupon ondulant de frissons qui déjà rejoignent un étroit terre-plein en bordure du rocailleux chemin !
Et là, tête en l'air, elle plante les yeux au ciel ; le chaton fait de même …. soupirs de satisfaction, sourires de joie !
Quelle chance… Il est encore là…. Et tout à fait semblable…. Il nous attend Dinah !…. cette fois, ce ne peut être que lui !
j’eus quelque peine à les rejoindre, mais cette attitude avait piqué ma curiosité :
Que contemples-tu ainsi, petite ?
Bonjour Monsieur
Tu as raison ! Bonjour ma belle, mais dis-moi ce que tu admires et qui te donne tant de plaisir !
Levant une main vers le ciel, elle pointe de l'index
Regardez ! Ce nuage, là, sur le côté… On dirait un gros bébé joufflu … Il est vraiment tout chou ! Il faut toujours les saisir au plus vite…. les nuages sont tellement capricieux !…. Mais celui-ci, c'est inhabituel …. C'est notre nuage ! Dinah et moi l'espérions depuis longtemps
Et de lui répondre, interloqué : vous souhaitiez spécifiquement un nuage ?
Oh oui, Monsieur... Celui ci tout particulièrement !
Et pourquoi celui-là ? Pourquoi l'aimes-tu tant ?
Voyons mon cher Monsieur, c'est évident.
Tais-toi, Dinah ! Et cesse de sourire bêtement !
Et comment pourrais-je faire autrement ?
Depuis mes conversations avec les insectes, la goujaterie d'animaux répondant ou coupant la parole aux humains ne me trouble guère !
Nous chérissons tous les nuages, ils sont notre famille ; les nuages sont si importants ! me dit-elle, me dévisageant de ses beaux yeux débordant d'une tendresse espiègle.
À quoi serviraient des cieux privés de nuées ? Qu'ils soient blancs, roses ou gris, petits, moutonnés ou tout effilés, les nuages sont essentiels au ciel ! Qui parle d’ôter les nuages ? … Quel ennui ! Une voûte bleue dégagée du moindre voile diaphane, de ces longues ficelles blanchâtres, de ces pelotes laineuses et bedonnantes ? Comment se nourrir de diversité ? Où se cacherait le mystère ? Nous glorifions les différences : des nuances avant toute chose, et pour cela préfère ces nuées vagues et solubles dans l'air, sans rien en elles qui pèse ou qui pose. … Un univers nu, c'est très cru ! Exempt de goût ! Effacez les nuages et vous n'êtes plus en mesure de comprendre la splendeur céleste … ni de célébrer notre terre dépourvue d'ombres et de lumières, de clair et d'obscur ! Constamment, à perte de vue, une étendue morne et monotone ? … Quelle lassitude, quelle asthénie, quelle déprime !…. Ce sont les nuages qui nous apportent la joie, la mélancolie, la tristesse et parfois la peur. Ils sont les fous du ciel ...nous créent des spectacles enchanteurs, font des cieux un grand tableau perpétuellement en mouvement ; ils nous accordent un incessant théâtre, jouant comédie, vaudeville ou tragédie, ils bercent ou ensorcellent les mers et les océans, chambardent les campagnes et les collines, sculptent l'arc- en-ciel … Existe-t-il un monument plus grandiose, plus enivrant, plus intemporel ?
Et pourtant ils ne sont rien … de la brume, de la vapeur, de l'eau ou de la glace … Mais s'ils s'éclipsent, le ciel n'existe plus … Ni les délices d'un soleil plein, ni les papillonnements de ses reflets lumineux, ni l'attention de ses rayons effleurant nos jardins tel des doigts de démiurge ; les bienfaits de la pluie d'été nous seraient étrangers, l'automne serait désenchanté, insipide, incolore, inodore ! La chaste délicatesse fugitive des cristaux de neige inconnue….
Dans un nuage, il y a toute une vie et cette vie change tout le temps ! Un nuage semble vide alors qu'il n'est que vitalité ! Vaut mieux des cieux sans anges que sans nuages ! Ils émoustillent nos âmes, nos cœurs, nos pensées, nos passions …. Que ferait la nature pour nous égayer ou nous attrister, abandonnée de ces aériennes petites mains ?
Voyons Monsieur, c'est certain !
Oh Dinah, tais-toi donc à la fin !
Ce monsieur n'est pas bien malin !
DINAH !!!… Excusez la, Monsieur !
Négligeant le persiflage brutal du chat, conscient des justes paroles de cette petite fille, je vis miroiter sous mes yeux des souvenirs de nuages … qui souvent embellissent mon village, le rendant unique ! … Dans ce minuscule bourg où d'ordinaire, « il ne s'y passe rien, mais alors ça, jamais rien !
Images inaltérables de paysages féeriques lors que des centaines d' arbres couverts d'un givre immaculé surgissent du brouillard, armée de fantômes gigantesques, fiers, aveugles mais nous toisant avec dignité et dédain, muets mais réclamant notre humilité, notre silence admiratif et respectueux.
Je revois dans l'aube ensoleillée des printemps, glisser sur les champs, sous de juvéniles herbettes jaunes et bleues, entre les prés encore humides, ces gros flocons d'ouate vaporeuse, parsemés de ci de là, à peine sortis de la rivière ou de la terre, traînant leur robe de nuit, accrochés aux clôtures, aux bosquets, s'effilochant doucement, tiraillés entre sol et envol, hésitant à quitter leur lit .
Je pense à ces impressionnantes colonnes de fumées se dressant au sein des forêts après l'ondée, odorant l'aiguille de pin, la feuille de chêne et l'écorce de tilleul…
J'admire ces majestueux soirs de mai ou d'octobre, habillés d'un somptueux velours rose, finement ornés de colliers d'or et d'argent, salués d'une révérence par un soleil, gracieux diamant orangé, s'évadant vers d'autres contrées.
J’aperçois ces fabuleux crépuscules, ces aurores presque surnaturelles qui, continument, ont inspiré mes pinceaux sans jamais parvenir à cueillir leur magnificence
J'en étais à parcourir ces paysages oniriques quand une petite voix gracile me tira de ces rêveries
Que puis-je pour vous, Monsieur… Excusez mon audace, mais le nuage nous attend…. Et trop souvent, lui ou ses semblables sont impatients ! Ils ne restent jamais bien longtemps au même endroit ! »
Tu peux m'appeler Amuk… Mais dis moi ! Que voici une petite fille sensée et observatrice ! Je ne t'ai jamais vue dans ce petit village ! Il y a si peu de monde ici … Quel âge as-tu ? Quel est ton nom et d'où viens-tu ? Pardonne mon indiscrétion, et ne me réponds que si tu le veux bien !
Oh il n'y a pas de mal, Monsieur Amuk…. Je m'appelle Yun …. tout simplement Yun ! Mais à vrai dire, j'ai tellement changé depuis ce matin que je ne sais plus dire qui je suis*... Mon âge ? Mon dieu, il est pareil à ces nuages, il avance sans reculer au gré du temps, suivant les vents, impossible de l'arrêter un long moment … alors, comment vous dire le nombre de mes années ? J'ai peut-être dix jours, peut-être cent ans ou dix mille lustres! Je n'en sais rien ! Je ne suis pas d'ici mais assurément de bien loin ! De partout et de nulle part ; parfois on me dit que je proviens du levant, de l'Empire céleste, là où les pierres de lune engendrent les nuages … je n'en crois pas un mot et ne puis rien affirmer! Est-il possible de naître parmi d'impalpables nébuleuses orientales ?…. Qui peut le savoir ? Néanmoins, si nous sommes là aujourd'hui c'est afin de rentrer chez nous ; il fallait impérativement être ici maintenant, juste à cet instant, précisément sur cette plate-forme…. c'est la dernière qui reste !
De plus en plus sidéré, je m'informe : la dernière qui reste ??
Voyons Monsieur, c'est manifeste
Oh Dinah ! vas-tu te calmer ! Petite peste !
Mais Monsieur Amuk, la sottise humaine a détruit tous les autres points dans le monde ; et ce petit coin demeure idéal entre le terrestre et le céleste !
Idéal ??? Ah bon ! Moi qui le trouvait si modeste, voire funeste
Bonté divine ! Quel humain grotesque, avec ce spécimen l'humanité régresse ! Certains descendent du singe, celui-ci en dégringole !
Oh Dinah ! Cesse ! Ce n'est gentil ni pour Monsieur, ni pour les singes !
Je n'ai pu soustraire un sourire discret de mon visage.
Voyez-vous Monsieur Amuk, ici je suis comme une colombe qui envie les nuages, prête à voltiger à tire d'aile … En bas je suis en cage, je n'ai pas ces ailes...
Avez-vous remarqué que parfois le matin, les oiseaux qui portent les brumes dans leur plumage viennent s'ébouriffer sur le bord de la fenêtre de votre chambre.
Chaque matin, avant que cet embryon de brume ne s'élance à nouveau, j'y dépose le reste de mes rêves de la nuit, des vœux de paix et de bonheur… et je la regarde monter comme un ballon blanc, vers d'autres cieux, vers des lieux inconnus … où elle versera des gouttes d'amour et de sérénité … j'aimerais tant faire de même. Aujourd'hui c'est dans celle-ci que j'ai mis mes espoirs… Elle est très belle, parfaite... je pressens qu'elle nous restera favorable
Un nuage qui reste favorable ? dis-je ahuri !
Voyons monsieur, c'est incontestable !
Mais tais-toi donc ! Arrête de sourire, c'est insupportable !
Allons Monsieur Amuk, les nuages sont si versatiles …Un rien change leur humeur ! Il faut savoir profiter de leur faveur et de leur pouvoir! Ils ont besoin de respect … l'homme les a tant maudits qu'ils sont devenus très susceptibles !
Maman prétend qu'il faut garder la tête dans les nuages, sans quoi on risque de seulement convoiter la liberté sans jamais la vivre ! Pour maman on peut garder la tête sur les épaules tout en étant dans ces cieux immatériels. Construire un château la-haut n'est pas chose inutile, c'est tout naturel, mais il faut pouvoir lui donner des fondations** ...
Chez mon père, c'est tout le contraire ! Il est assez terre à terre ! Un peu trop sérieux. Papa dit qu'il n’y a pas de bonheur sans nuage ! Que parfois les nuages peuvent aussi devenir méchants ! Chargés de lourds présages ! Des porteurs d'orages… Quand ils font grise mine, ils peuvent devenir les cauchemars du ciel, des monstres patibulaires ! Et pour lui, s'il n'y a pas de nuage à l'horizon, cela ne peut pas durer ! Papa se veut exemplaire et se montre parfois trop sévère !
Maman est assez cirrus fibratus, papa plutôt cumulus congestus…. Cependant, ils ont tous deux raison ! Heureusement les nuages n'enfantent pas fatalement la tempête ! Ils peuvent être maussades, mais donneront le plus souvent de l'eau pure ! S'ils se révèlent menaçants c'est envers certains humains, afin qu'ils respectent mieux la nature ; ils nous rappellent à l'ordre, donnent dans le spectaculaire, se montrent autoritaires !
Enfin, enfin, pauvre humain, voila qui est pourtant clair !
Dinah, je finirai par me fâcher …! C'est horripilant tes commentaires !
Si on ne peut même plus placer un sommaire avis contraire! Ce monsieur est tellement utilitaire, si peu lunaire, un brin vulgaire !
Il commençait à m'échauffer les oreilles, le minet gringalet !
Tu crois cela ? Reprit Yun en durcissant la voix. Rends-toi utile pour une fois et fais voir à notre ami combien les nuages sont sources de création
Je vais essayer mais j'ai bien peur de n'y réussir ! Pour apprécier cette belle distraction, il ne faut pas être trop bouchon, ni trop c.. !
DINAH !! Crénom de démon ! Emporte le là-bas, nom d'un cochon ! Et plus vite que cela !
PHHH ! Allez zou! C'est parti pour une nouvelle récréation !
Les yeux du chaton se sont largement agrandis, il me fixa intensément du droit sans se dérober une seconde : sous la cornée, la pupille hypnotique, ardemment noire au centre d'un iris vert profond ; je ne sais par quelle alchimie chatoyante l'œil de chat m'emporta vers cette île sidérale où je vis réellement ce que d'autres ont parfois cru voir.
Au bout d'une sombre sente, je me sentis comme aspiré vers le haut ; bientôt distinctement, les premières notes d' « obscured by the clouds » du Floyd résonnaient dans cette atmosphère feutrée, limpide… comme je m'élevais au centre de cette tour imprévisible, je ne sentis jamais tant de douceur. Porté par des êtres invisibles, imprégné d'une douce et moite langueur…. En cette ascension lentement tourbillonnante d'un imaginaire Gugenheim, j’aperçus, loin au dessus, un dôme de Corrège ouvert sur l'infini ; accrochés le long des parois des milliers d’œuvres d'art encensant les joyaux du ciel ; musée magique regroupant des œuvres de Botticelli, d'Eugène Boudin, la « mer de nuages » de Caspar David Friedrich, des Monet, des Constable, des Turner, des Nolde, des Magritte, « the big cloud » de James Naughton, et bien d'autres … De sobres estampes perses et chinoises, s'enorgueillissant d'un appel pénétrant à la méditation ; s'y trouvaient également les contemporains, des Zao Wou-Ki, llya Kabakov, des Mario Merz, les « silver clouds » de Warhol, des œuvres de Berndnaut Smilde, d'Anne Blanchet, de Charlotte Charbonnel, Perrine Lievens, Zhan Wang et tous leurs semblables, tous incomparables ….
C'était à tomber, jamais je ne pourrai revivre pareils instants, jamais je n'ai perçu ces icônes avec autant de lucidité … Depuis la nuit des temps à maintenant, les nues ont toujours exalté les artistes, peintres, sculpteurs, musiciens, écrivains, photographes, chorégraphes ….
En aucune circonstance, je n'avais ressenti, compris, si ardemment ces merveilles picturales et musicales…
Sous la guitare de Django Reinhardt, avec lenteur et légèreté, Dinah me ramena à la réalité … Déjà je regrettais de devoir quitter ce pays merveilleux.
Merci à vous deux ! C'était paradisiaque, c'est véritablement gentil de m’emmener sur cette planète de charme et d'élégance,
Et cependant, malgré ces œuvres de toute beauté, ces généreuses offrandes de remerciement à la déesse nature, je crains qu'en ce monde ou règne la brutalité, l’égoïsme et l’appât du gain, les douleurs terrestres soient sans fin !
Il faut parfois opposer le rêve au destin !
Ça, c'est certain !
J’hallucine !!! Cet humain peut se montrer moins crétin !
Oh Dinah ! Félin félon ! Décidément tu n'es pas un chat bien ! Tu ne peux t’empêcher de sortir tes griffes!
Moi, j'aime votre pensée, Monsieur Amuk … Votre étonnement m'enchante et m'amuse ! J'aurais voulu converser avec vous plus avant mais je ne puis rester plus longtemps… là-haut, il s'impatiente ! Maman et papa m'attendent ! C'est un peu triste mais il faut se quitter maintenant, je ne voudrais pas que le petit nuage nous abandonne
Aussitôt la petite fille, tout sourire, m'a embrassé et s'est évaporée accompagnée de son chat, se mêlant au nuage, rejoignant ses parents pour un instant, pour l'éternité
Il me restait sur la joue quelques traces de chaude humidité… J'aurais voulu toucher le nuage du bout des lèvres, le caresser du bout des doigts, le retenir...
J'avais encore tant à lui dire, elle devait encore tant m'apprendre …. mais trop tard, il et elle n'étaient plus là …
Et Parfois, comme je le fis de nouveau ce matin, à pas lents, je pousse ma vieille carcasse jusqu'au terre-plein, je m'y assoie et je regarde le ciel ; tout là-haut, quand passe un petit nuage, il me sourit, il m'attend et cela me remplit de joie !
L'histoire n'est pas drôle, mais c'est une drôle d’histoire … celle d'une vie entière et aussi celle d'un court instant!
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Allez viens Amuk, soulève tes cent kilos, fais bouger ta carcasse, on va chez notre copain Germain, parait que Diane y est déjà ; on sera bien tous les trois !
Oui, Allons !... Tirons nous mon bon Jacques, une tisane fumante nous attend !
Parle pour toi
Une mise à la diète te ferait aussi du bien !
Et tu crois qu'avec tes maléfiques tisanes de comptoir, tu me ferais passer de l'autre côté du miroir ?
C'est à voir ! Ce serait bizarre, quasi notoire !
Ce n'est ni illusoire, ni sans espoir ! Il suffit de le vouloir !
Germain, remplis nos tasses, s'il te plaît bien !
Omicourt, le 16 janvier 2017
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Qui aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis ? ton père, ta mère, ta sœur ou ton frère?
- Je n'ai ni père, ni mère, ni sœur, ni frère.
- Tes amis?
- Vous vous servez là d'une parole dont le sens m'est resté jusqu'à ce jour inconnu.
- Ta patrie ?
- J'ignore sous quelle latitude elle est située.
- La beauté ?
- Je l'aimerais volontiers, déesse et immortelle.
- L'or ?
- Je le hais comme vous haïssez Dieu.
- Eh! qu'aimes-tu donc, extraordinaire étranger ?
- J'aime les nuages... les nuages qui passent... là-bas... là-bas…
les merveilleux nuages!
Baudelaire: Petits poèmes en prose,(1869)
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*citation de Lewis Carroll dans « Alice au pays des merveilles »
** d'après Henry David Thoreau
| Texte : Jacques Goffin
Photos : Hugues VanRymenam
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